Le projet de loi sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information, en cours d'examen par l'Assemblée nationale, transposant la directive du 22 mai 2001, donne l'impression que l'équilibre entre le droit des auteurs et celui des consommateurs penche en faveur du premier. Qu'en est-il ?

Ce texte déséquilibre le droit d'auteur français et remet entre les mains des titulaires de droits un pouvoir de contrôle du public à ce jour inégalé. Le gouvernement propose de créer un droit de contrôle sur l'utilisation de l'œuvre et, par conséquent, un droit de contrôle sur l'utilisateur. Les titulaires de droits vont pouvoir fixer arbitrairement et a priori les conditions d'utilisation des œuvres, y compris lors d'une utilisation dans la sphère privée. Par exemple, les producteurs de disques vont pouvoir revenir sur les droits du public en l'empêchant de transférer le contenu d'un CD vers un baladeur MP3, acte pourtant légitime puisque les supports de stockage utilisés par ces baladeurs sont soumis à la redevance sur la copie privée.

Les mesures prévues vous paraissent-elles suffisantes pour réduire les téléchargements ?

En aucune façon. Les œuvres disponibles sur les réseaux P2P resteront disponibles, de nouvelles seront mises à disposition, et les mesures techniques seront contournées, comme elles l'ont toujours été. Au pire, il sera toujours possible d'enregistrer un flux via la sortie audio de sa carte son, ou alors il faudra crypter jusqu'aux enceintes...

Le droit n'a-t-il pas une longueur de retard sur la technologie ?

Ce n'est pas tant le droit qui a une longueur de retard sur la technologie mais les titulaires de droits qui refusent de monter dans le train du progrès. Ils n'ont pas compris que les nouveaux usages permis par la technologie ne peuvent être éliminés, par le droit ou par la technologie. Combattre la technique par la technique est une lutte perdue d'avance. Ce n'est pas en pénalisant des millions de consommateurs honnêtes que l'on changera les habitudes des millions d'internautes qui utilisent les réseaux P2 P et qui, pour beaucoup, proposent des œuvres sans autorisation. Créer de nouveaux délits n'a jamais réduit le nombre de délinquants.