L'initiative EUCD.INFO dénonce donc avec force un texte encore plus inacceptable et inapplicable que la version du Sénat, qui va bien au delà, voire à l'encontre, des obligations communautaires de la France. Ce texte contient des dispositions qu'aucun pays démocratique dans le monde n'a jamais adoptées, notamment les fameux amendements Vivendi Universal. [3]

EUCD.INFO dénonce évidemment tout autant le passage en force organisé par le ministère de la culture, les rapporteurs, les présidents de groupe UMP et la garde rapprochée de Nicolas Sarkozy, pour faire passer ce projet de loi surréaliste au mépris des droits du Parlement. [4]

Depuis plusieurs mois, le n°2 du gouvernement intervient en effet directement sur ce dossier. En janvier, après avoir tenté de mettre d'accord en une heure sous l'oeil des caméras, toutes les parties prenantes sans évidemment y parvenir, il a préféré adopter une méthode plus discrète pour satisfaire les attentes de certaines d'entre elles. Sourd aux explications des acteurs de l'internet, le Président de l'UMP a ainsi donné des consignes de vote contraires aux arbitrages du Premier Ministre pour que les amendements Vivendi Universal soient adoptés. Son conseiller parlementaire avait d'ailleurs été dépêché à l'Assemblée et au Sénat pour s'assurer que la commande passée au ministre d'État était bien livrée par les élus de la majorité, n'hésitant pas, par exemple, à appeller le responsable du groupe UDF au Sénat. Tout comme il l'avait fait en décembre, il est également intervenu face à la grogne de certains élus UMP opposés à la suppression annoncée du seul point d'équilibre du texte (l'article 7 voté à l'unanimité des députés), [5]

À ce stade, l'initiative EUCD.INFO demande à Nicolas Sarkozy de cesser, en tant que président de l'UMP, d'intervenir sur ce dossier, dans l'ombre et dans le mauvais sens, de laisser, en tant que ministre d'État, la représentation nationale se déterminer librement, et, enfin, d'étudier le dossier sérieusement et sans parti pris, puis de faire connaître, en tant que candidat à la présidentielle, sa position sur le projet de loi DADVSI. Les internautes sont aussi des électeurs, et il ne faudrait pas que le Premier Ministre apparaisse comme seul auteur de ce texte avec les députés qui ne voteront pas contre le texte.[6]

L'initiative EUCD.INFO demande donc très officiellement à Nicolas Sarkozy de déclarer publiquement s'il pense que le DADVSI doit être adopté dans sa version actuelle.


I - Références

[0] Tableau comparatif Sénat/CMP

http://eucd.info/documents/texte-cmp.pdf

[1] DADVSI : le gouvernement passe en force pendant la commission mixte paritaire

http://www.zdnet.fr/actualites/internet/0,39020774,39360958,00.htm

[2] DADVSI : l'interopérabilité sacrifiée en CMP

http://richardcazenave.com/?2006/06/23/167-l-interoperabilite-sacrifiee-en-cmp

[3] Détail sur les amendements Vivendi Universal

http://www.eucd.info/286.shtml

[4] Parodie de démocratie

http://www.culturenumerique.net/index.php?2006/06/22/53-blog-note-19-parodie-de-democratie

[5] Canard Enchaîné (28/12/2005) : dans la Mare aux canards « Sarko témoin à (télé)charge »(« Copain d'artistes (Reno, Clavier) et de dirigeants des "majors" du disque et du film, Sarkozy avait fait le forcing en leur faveur (...) », « il a publiquement désavoué l'amendement de ses petits camarades députés et il leur a envoyé deux de ses conseillers, Frédéric Lefebvre et Constance Le Grip, pour les travailler au corps »),

[6] Tribune : DADVSI, la dernière illumination de Villepin

http://eucd.info/320.shtml


II - Annexe : Que fait le DADVSI ?

Concrètement, le DADVSI constitue ou organise, notamment :

  • une extension abusive du droit d'auteur (article 7, 7 bis A, 8, 14 bis) : transformation de la copie privée et du droit de lire en droits exlusifs, l'auteur pouvant désormais autoriser ou interdire ces actes à l'aide de dispositifs de contrôle d'accès et de copie («mesure technique») ;
  • une présomption de culpabilité généralisée pour le public (article 13 et 14) : interdiction de neutraliser ou de publier un moyen permettant de neutraliser un dispositif protégé au titre de «mesure technique» mais portant par exemple atteinte à la vie privée ou empêchant un usage licite, le simple fait de décoder une oeuvre par ses propres moyens est puni de 3 750 euros d'amende, le fait de proposer à autrui un tel logiciel est puni six mois d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende ;
  • une censure des auteurs de logiciel libre (article 7 bis A) : création d'une autorité administrative pouvant interdire la publication d'un logiciel libre accédant à des informations protégées, en négation du droit moral de divulgation des auteurs de logiciels libres, droit reconnu d'ordre public qui conditionne l'exercice de la liberté de création, liberté fondamentale ; les développeurs de logiciels libres qui passeront outre risqueront six mois d'emprisonnement et 30 000 € d'amende ;
  • une responsabilité aggravée du fait d'autrui pour les internautes (article 14 ter A), les auteurs et éditeurs de logiciels, les fournisseurs d'accès et les éditeurs de services en ligne, (12 bis, 14 quater) et ce pour imposer des dispositifs de filtrage et empêcher la circulation d'informations ou de moyens techniques permettant de les contourner, au risque de porter atteinte à la vie privée, à la liberté de communication et à la liberté d'expression ; l'article 14 ter A prévoit ainsi une obligation pour les fournisseurs d'accès de mettre à disposition de leurs abonnés des DRM et une obligation pour les internautes de les installer ;
  • une atteinte à la libre concurrence (7 bis A) : par la mise en place de licences RAND sur les informations essentielles à l'interopérabilité et la création d'une obligation de résultat surréaliste en terme de contrôle d'usage pour les auteurs et éditeurs de logiciels désireux de publier des lecteurs interopérables d'oeuvres numérisées ;
  • une privatisation de missions régaliennes (14 ter A, 14 quater) : demande à des acteurs privés de mise en oeuvre permanente de moyens visant à préserver l'ordre public et normalement mis en oeuvre ad hoc sous le contrôle de l'autorité judiciaire et à la charge de l'État ;
  • une atteinte à la neutralité de la technique (12 bis) en considérant qu'un logiciel communicant peut être «manifestement destiné» à l'échange de données numériques protégées par le droit d'auteur, et en punissant de trois ans de prison et 300 000 euros d'amende, toute personne qui concevrait, distribuerait ou inciteraient à l'usage d'un tel logiciel.