Finalement, les dernières étapes du processus législatif ont été l'occasion d'un durcissement incroyable du texte et d'un nouveau camouflet pour le ministre de la Culture.

La décision rendue par le Conseil Constitutionnel a pour effet notamment :

  • d’autoriser les producteurs à supprimer toute forme de copie privée sur les oeuvres qu’ils diffusent ;
  • de faire sauter le seul garde fou de l'amendement « Vivendi-Universal, » créant une insécurité juridique sans précédent ;

  • de supprimer l'interopérabilité [1] des motifs valables de contournement de mesures techniques, introduisant ainsi notamment une atteinte grave à la libre concurrence ;
  • de permettre aux éditeurs de mesures techniques la mise en place d'un droit de péage ;
  • d'organiser le retour à la case prison pour l’internaute téléchargeur.

Sans réelle surprise, les membres du Conseil Constitutionnel ont écarté toute irrégularité dans la forme de l’examen du texte de loi. Ils entérinent donc ainsi les pratiques du gouvernement, ce qui n'est pas bon signe de la part des gardiens de la bonne application de notre constitution.

Christophe Espern, de l'initiative EUCD.INFO, a déclaré : « À l'évidence la décision du Conseil Constitutionnel satisfera les majors du disque, du film et du logiciel propriétaire. Le public, la communauté du logiciel libre et les artistes sont les grands perdants de cette saisine ».

Pour tenter de faire passer le texte dans l'opinion, le point central du plan média du gouvernement était qu'« un internaute qui télécharge illégalement de la musique ou un film sur Internet pour son usage personnel ne risquera plus la prison. » (voir séance du 30 juin 2006). En organisant le retour à la case prison pour les téléchargeurs, le Conseil Constitutionnel rend caduque les promesses du ministre de la Culture.

Les débats ont clairement montré que nos institutions n'ont pas pu fonctionner correctement, du fait des pressions intenses qui ont eu lieu à l'égard de nos représentants. Le projet de loi DADVSI a pour objet de transposer l'EUCD, une directive européenne vieille de plus de 5 ans dans un contexte numérique en évolution constante. Or, l'efficacité de l'EUCD est d'ores et déjà remise en cause par des juristes des différents pays de l'Union. Parallèlement, la Commission européenne a lancé une étude de révision de la directive, car ce texte va à l'encontre de ses objectifs d'harmonisation et ne répond qu'aux attentes d'une poignée d'industriels.

Considérant l'absence de concertation préalable à la rédaction du texte, considérant la procédure de révision en cours au niveau européen et enfin considérant le contenu inacceptable et inapplicable du texte, l'initiative EUCD.INFO en appelle au Président de la République, gardien de l'interêt général, pour qu'il prenne ses responsabilités en ne promulguant pas la loi.

Dans la mesure où le projet de loi serait promulgué, et en considérant les conditions déplorables d'élaboration de ce texte et son contenu totalement déséquilibré menaçant clairement les droits et libertés de l'ensemble des citoyens, il pourrait appartenir au peuple de se saisir du principe de résistance à l'oppression et de prendre toutes les mesures pacifiques nécessaires pour affirmer sa résistance à cette oppression, numérique certes, mais pourtant bien réelle. Le fondement de ce principe, consacré par l'article 2 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 [2], repose sur le droit consacré au peuple, collectivement, par opposition à l'individu, de résister à une loi incompatible avec les principes fondamentaux de la république et de la démocratie.

[1] Rappelons que l'interopérabilité est définie dans les considérants de la directive 91/250 CE sur la protection des programmes d'ordinateurs et que le droit à la recherche de l'interopérabilité est prévu à l'article L. 122‑6‑1 du code de propriété intellectuelle et les articles 5 et 6 de la directive européenne 91/250.

[2] déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789