Exclusion des formats, protocoles et méthodes de la définition de "mesure technique"

La proposition d'EUCD.INFO d'exclure les protocoles, les formats et les méthodes de cryptage, de brouillage et de transformation de la définition de mesures techniques a été retenue par les députés, et soutenue par le gouvernement (amendement 144 rectifié). Comme l'a très bien dit une abonnée de la liste de discussion escape_l, "cet amendement donne une marge de manoeuvre indispensable à la survie des logiciels libres".

C'était effectivement un principe essentiel à inscrire dans la loi : les structure de données et les méthodes intellectuelles utilisés par des mesures techniques ne sont pas en tant que telles des mesures techniques. Revendiquer un droit à la protection par le secret sur de tels éléments n'est pas légitime.



Il est par contre dommageable pour la lisibilité et la cohérence de la loi que, suite la tentative de passage d'un "amendement-piège" (amendement 252) porté par le député Vanneste (UMP), dans la précipitation, un sous-amendement (256) stipulant "cette disposition ne concerne pas les chaînes de télévision" ait été adopté, soit disant pour protéger les décodeurs Canal +.



Comme l'a fort justement rappelé la député Martine Billard (Les Verts) : "Il n'y a pas lieu de rajouter une disposition à ce qui existe déjà dans la loi. Or le fait de forcer le cryptage donnant accès à Canal Plus - c'est bien ce qui est en jeu -.ou à d'autres chaînes cryptées, afin d'éviter de payer l'abonnement, est déjà considéré par la loi comme un délit."



L'adoption du sous-amendement était inutile. Il est superfétatoire. Le rapporteur n'a d'ailleurs pu donner aucune justification quand le député Jean Pierre Brard (CR) lui a demandé de répondre à l'interpellation de Mme Billard ("Monsieur le rapporteur, soit votre sous-amendement est superfétatoire et il ne faut pas le voter ou bien il ne l'est pas, et vous devez nous expliquer pourquoi."). Il est vrai que la seule réponse possible était : l'article 79-1 de la loi n. 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication réprime déjà " la fabrication, l'importation en vue de la vente ou de la location, l'offre à la vente, la détention en vue de la vente ou l'installation d'un équipement, matériel, dispositif ou instrument conçu, en tout ou partie, pour capter frauduleusement des programmes télévisés, lorsque ces programmes sont réservés à un public qui y accède moyennant rémunération versée à l'exploitant du service ". À l'époque, il a été écrit spécialement pour Canal + ...



L'initiative EUCD.INFO demande donc la suppression de l'expression ajoutée par le sous-amendement 256.



Organisation de la circulation des informations essentielles à l'interopérabilité entre mesures techniques



Au beau milieu de l'examen du projet de loi DADVSI, sans doute suite au rendez-vous médiatisé d'EUCD.INFO à Matignon le 19 décembre, et à l'intervention le 20 décembre de députés de la majorité, le gouvernement a entamé, le 21 décembre, une négociation avec certains acteurs de la communauté du logiciel libre. Il a rédigé un amendement s'inspirant de deux amendements d'EUCD.INFO et convoqué certaines entreprises signataires de la pétition EUCD.INFO. Il a donné une heure pour commentaire. Un amendement a ensuite été porté par plusieurs députés de la majorité, soutenu dans l'hémicycle par le gouvernement, et finalement adopté le 22 décembre par l'Assemblée Nationale (amendement 253).



L'initiative EUCD.INFO se réjouit évidement que le gouvernement et les députés ait soutenu sa définition d'informations essentielles à l'interopérabilité entre mesures techniques, et ait précisé que la protection juridique des mesures techniques ne remet pas en cause les exceptions "Décompilation" et "Ingénierie inverse". Cela illustre indéniablement une volonté de recherche d'un équilibre entre droit de la concurrence et droit d'auteur, qui jusqu'à présent était absente.

L'initiative EUCD.INFO déplore toutefois que l'ensemble du dispositif proposé ne permettent pas la mise en place d'un cadre juridique réellement adapté aux objectifs annoncés : le développement de logiciels multimédias libres ou propriétaires, mais interopérables et préservant les informations légales afférente à un régime de droits, et la sécurisation juridique de la communauté du Logiciel Libre, dans son ensemble.

En préférant le Conseil de Concurrence au tribunal des référés, en refusant de préciser les conditions de prix et de délai applicables à la fourniture informations essentielles à l'interopérabilité, et en autorisant, en creux, la mise en place d'obligations contractuelles susceptibles d'interdire la publication d'un code source interopérant avec une mesure technique, le dispositif rédigé à la hâte par le gouvernement ne garantit en aucune façon qu'il sera possible demain, pour une entreprise ou une association de développeurs produisant des logiciels libres, d'avoir accès aux informations essentielles à l'interopérabilité dans des conditions non discriminatoires, ou de diffuser un logiciel libre interopérant avec une mesure technique sans risquer les poursuites au pénal.

De plus, sur la méthode, l'initiative EUCD.INFO estime que les conditions dans lesquelles s'est effectuée la rédaction de l'amendement 253 sont inacceptables. Au regard de la technicité du problème et des enjeux, il est incroyable que les chefs d'entreprises convoqués le 21 à quelques heures de la reprise des débats parlementaires n'ait eu qu'une heure pour étudier l'amendement. Il est aussi consternant de constater que les acteurs associatifs faisant la promotion du Logiciel Libre en France n'aient pas été entendus. Un tel oubli témoigne d'une réelle méconnaissance du tissu produisant les logiciels libres qui n'est pas qu'économique mais aussi social, associatif et bénévole.



L'initiative EUCD.INFO demande donc qu'une discussion plus avancée ait lieu entre les acteurs économiques et associatifs de la communauté du logiciel libre et le gouvernement, pour qu'une rédaction adaptée à leurs activités puisse être trouvée. Pour l'initiative EUCD.INFO, une telle concertation est indispensable pour résoudre également les problèmes que posent d'autres articles du projet de loi actuel, par exemple les articles 13 et 14.